Véritable coup de couteau dans un corps de pierre, agrémenté des glouglous de ses bouillonnements, intitulé sobrement «Chute d’eau», ce paysage semble être le mur de Plank qui résume dans son passage étroit tous les grands axes de l’artiste présentés durant ce feuilleton: l’eau chère à Böcklin – même si ici elle est chantante – , sa passion pour l’orangé et l’infime détail – la vache – , pour la ouate des nuages, la sensualité mystérieuse de l’entaille, le mouvement induit par la chute d’eau, la solitude, la nature célébrée, la roche – le peintre collectionnait les pierres – le ciel inaccessible et les ombre spirites. Tout y est.

Sur toute la longueur le blanc déroule son babil, entre l’âpreté des rochers le blanc parle, s’écoule, jaillit, annonce une source cachée, et bien que généreuse, l’énergie reste calibrée. Haut perché, le bout du ciel saphirien suggère la spiritualité, tandis qu’à l’opposé, le triangle verdoyant reste fidèle à son observation de la nature. Rien ne manque, pas même la touche orange avec cette toute petite vache qui tel un jouet oublié ne se voit qu’après une observation plus précise… mais qui broute allègrement! Tableau à la fois multiple et dualiste, la bataille se jouant entre «le bleu du ciel» et «le diamant vert» de la vallée.


Hans Emmenegger, Wasserfall, 1910

Du 25 juin au 31 octobre 2021, la Fondation de l’Hermitage à Lausanne, consacre une grande rétrospective au peintre lucernois Hans Emmenegger (1866-1940) – une première en Suisse romande.