La répétition ne mène pas à la lassitude mais à l’extase, et la multiplication des icônes à l’incernable, c’est ce qu’on ressent en découvrant les déesses de Philippe Ducollet-Michaëlef, à la fois semblables dans leur positionnement – silhouette particulière qui s’inspire d’une photo découverte dans le bureau de son père, une idole crétoise « la déesse aux serpents » – et distinctes, imaginatives, parées de colliers ou de phrases en guise de bijoux.
Bras écartés, seins nus, les vierges saintes tiennent des serpents dans chaque main en nous regardant droit dans les yeux. Enfantines, étranges, vainqueures, elles nous fixent. Protégées par des yeux, elles ne craignent pas de tenir les couteaux par le manche, de croiser les ossements, d’invoquer le soleil et les chiens,
elles brandissent…
des croix, des haches, des pendus pour faire la peau aux névroses
elles abritent …
des êtres informes, des avortons mignons, des serpents et des croix,
elles ont trois têtes ou neuf seins, sont coiffées de chauve-souris,
parfois des cœurs et des oiseaux viennent adoucir les tourments d’une âme.
Collectionneur, grand amateur d’art et de peinture, c’est un hommage complice que Philippe Ducollet-Michaëlef, dessinateur et collagiste vivant à Nice, rend à cette figure féminine à la fois rayonnante et dominante.
Le trait est si ancré et si persuasif qu’on pourrait dire qu’il scarifie pour entrer plus profondément dans le papier comme un acte de chair. Dans ce paysage qui témoignent d’une force presque occulte, le cœur reste triomphant.
L’exposition «Croyances», 5ème biennale de l’art brut, se déroulera au musée de l’Art brut à Lausanne. «Près de trois cents dessins, peintures, assemblages, sculptures, écrits et broderies dus à quarante-trois auteurs ont été sélectionnés et constituent une sorte d’éventail des possibles, avec aussi bien des illustrations de divinités et de saints, que des compositions abstraites d’un grand raffinement, des peintures à caractère symboliste et des objets rituels». À découvrir jusqu’au 1er mai 2022.