Cavalière de tempête !

Anne van der Linden ou l’onirisme des secrétions
Pas de mélancolie pour Anne van der Linden, à la place : un tonnerre de couleurs sorti tout cru des ténèbres de la fureur.
Dans le livre de Frederika Abbate « Anne van der Linden, cavalière de la tempête », on y découvre d’abord la vie de l’artiste aussi rocailleuse et haute en pigments que son œuvre, une jeunesse passée à vivre dans les squats – jusqu’à la désillusion – ou à faire la route, en Inde en 1978 avec Jean-Louis Costes, puis en Amérique latine l’année d’après, puis ce sera plus tard l’Afrique chez les Pygmées avec cette anecdote savoureuse du miel hypnotique… – qui grâce au fructose fermenté permet de planer-. Son immersion loin d’un tourisme qui se renseigne avant de partir permet à Anne van der Linden de s’envoler l’esprit libre,
tout se jouera dans la mémoire du ressenti.
Dans ce livre aussi riche qu’une exposition portative nous suivons l’artiste en devenir quand en 83 avec Jean-Louis Costes ils créent « la Vache bigarrée » – textes et peintures – leur première publication.
Très vite les travaux d’Anne van der Linden nous avisent que nous ne circulerons ni en plat pays ni en terrain tabou. Les thèmes qui prennent aux tripes et les montrent virevoltent entre humour – « Racaille en couche », « Le spleen de Tarzan », « La vieille » – et angoisse latente – « Nature inquiétante » « Festin cannibale » « La dégantée » -. Partant dans mille directions imaginatives, passant de l’attaque à la jouissance, sans répit l’œil s’introduit à l’intérieur des corps, s’immisce entre les chairs rougeoyantes, voyage aussi intérieur que cosmique.
« L’individualité se dissout et s’exalte dans l’union « dit l’auteur du livre Frederika Abatte. « Les personnages sont toujours concernés les uns par les autres » continue Anne van der Linden et cela constitue la force de cette œuvre si étrange qu’elle nous imprègne à la seconde, poussant du coude les portes de la perception.
Les flux souterrains s’extériorisent, battus dans l’athanor où grésille l’encre ils en ressortent plus forts, les corps sont à la fête autant qu’en douleur et les bêtes ne sont pas en reste. Chats ou porcelets, bichette en nuisette, miroirs de fourrure proches de la fusion.
L’animalité sublimée se frotte parfois au sacré – lionnes en croix, agneau pascal, ange en érection – et au-delà du contexte érotique, l’ambivalence psychique nous connecte âme contre âme dans le dévoilement extrême de notre intimité.
A chaque corps sa prise de risque différente, sans répétition, bercé par l’onirisme des secrétions au service d’une flamboyante vampirisation. La dévoration reste la grande maîtresse des lieux et si cela fonctionne en diable c’est parce que la surface des éléments est trouée, laissant apparaître ce que normalement on ne voit pas, ce qu’on nous cache, ce qui se cache, ce que nous cachons aux autres ou à nous-mêmes.