Un cameraman en apesanteur donne le ton. Tout Godard tient dans ces quatre minutes comme s’il avait voulu rassembler en un mo(uve)ment son amour de la peinture et du cinéma, sa passion pour les mots écrits, se superposant parfois aux images, – le cinéma ne parle pas, il métamorphose – aux Pietà, aux peintures mythiques comme l’«Olympia» de Manet ou le dessin de «Sainte-Anne» de Léonard de Vinci.

Le cinéma clignote comme une résonnance picturale, Marlène Dietrich, Henry Fonda ou Charlie Chaplin accompagnent ce texte imprégné de spiritualité:

Plus haut,
Celui que j’aime vit dans un monde
Plus beau
Bien au-dessus du niveau des mots

Sortie en 1980, France Gall enregistrera à nouveau cette chanson en 1996 sur un album plus funky/R’n’B intitulé «France» avec le solo de guitare de Tim Pierce, un grand moment de frisson.

C’est à cette période que la chanteuse fait appel à Jean-Luc Godard qui lui livre un clip irréductible. Les scènes emblématiques triées méticuleusement par le cinéaste rejoignent en symbiose la poésie aérienne de Michel Berger servie par la fraîcheur de France Gall. Tout l’univers de Jean-Luc Godard se concrétise dans cette poignée de confettis mythiques, l’humour, l’enfance – le baiser du prince à Blanche-Neige de Walt Disney – l’œil qui nous regarde, nous renvoyant à notre propre façon de voir le monde, et bien sûr l’érotisme qui atteint son apogée avec le cadrage de la bouche de France Gall, orifice se mouvant dans un fond noir… on pourrait presque dire que ce clip laisse augurer vingt-deux ans plus tôt, en plus court mais non moins passionné, le «Livre d’Image»