Bobigny/Brazzaville, deux villes, deux fleuves-mots qui convergent vers un texte brûlant: «Et Dieu ne pesait pas lourd…».

Brazzaville pour Dieudonné Niangouna, auteur de ce monologue destiné pour la première fois à un acteur blanc. Brazzaville, la guerre civile, les théâtres en ruines, le dramaturge congolais écrit la vie malmenée et des textes comme «M’appelle Mohammed Ali» ou «Le Kung-Fu» qui mettent en scène ses combats.

Bobigny (MC93 Bobigny) pour Frédéric Fisbach, comédien né à Paris et dont la frénésie enjambe les frontières afin d’élaborer un diagramme textuel imposant, de Jean Genêt à Alexandra Badea. C’est lui qui en 2014 demande à Dieudonné Niangouna de lui écrire un monologue qui permettrait à leur rage commune de prendre une forme transmissible.

Et c’est à lui d’empoigner ce soir cette grenade, entre vérité et fiction, cette comète dans le ciel noirci qui balance dès le début: «La colère pèse lourd tout ça parce qu‘on a séparé les fils des gens des fils des autres»… Entre délire et confession, le texte serpente, à la fois réalité douloureuse et invention. Anton le prisonnier-acteur vient nous raconter dans un flow enflammé sa version du monde: «Je ne suis pas homme, je suis né météore». «Chevalier de l’ordre du jen ai rien à foutre», il aimerait échapper à sa mère, se faire adopter par un arbre, se cogner la tête contre l’horizon. Il pense poésie et politique, il pense l’Afrique meurtrie, empoigne les sujets violents, racisme, djihadisme, ordre social, mensonge du libéralisme, Occident malveillant, hurlant à l’injustice «des gens crèvent et d’autres gagnent des médailles». Les néons stroboscopent, la musique vient clore ce monologue palpitant. Une fois à l’air libre, le texte dans les têtes continue son chemin.

 

Au théâtre de Vidy jusqu’au 21 février.
Photos: Simon Gosselin

Nuage rouge, Et dieu ne pesait pas lourd