En citant Bergson «l’idée d’avenir est plus féconde que l’avenir lui-même», Etienne Klein, lors de sa conférence donnée à Rumine le 28 janvier, a d’entrée précisé cette difficulté de penser l’avenir, de le projeter. Durant deux heures, il a retourné le corps du temps sous nos yeux pour mieux examiner les possibilités et les accords collatéraux entre le passé, le présent et ce fameux futur. D’après le physicien-philosophe, «le présent est omniprésent». «Ensevelis et fatigués», et là il cite Régis Debray, sous une tonne d’informations et de possibilités, notre présent devenu multiple se suffirait à lui-même et nous empêcherait de nous intéresser vraiment à demain.

L’ère post-industrielle a-t-elle tué l’avenir, ou simplement son idée?

Le danger de ce présent multiple est sa capacité de mettre le futur entre parenthèses comme une possibilité de plus, avec d’autant plus de force si l’idée de l’apocalypse semble devenue intéressante, comme une énergie nouvelle qui dynamiserait plutôt que de terroriser. Nous ne pouvons nier notre «filiation avec le futur» et les deux manifestations récentes montrent un désir profond de changement. Altruisme ou terrorisme? Pollution ou décroissance? Dégradation ou reconstruction? Acceptation ou révolution?

Nous ne pouvons pas nier notre «filiation avec le futur» ni nous laisser coloniser voire ensevelir par le présent. Le philosophe Francis Bacon (1561-1626), l’inventeur de la notion de progrès, laisse entrevoir une porte de sortie. Ses propos, plus que jamais d’actualité, invitent à innover afin de contrecarrer les effets corrupteurs du temps, pour éviter que le monde se défasse. Mais pour ce faire, la notion de sacrifice est primordiale, car comme le rappelle Etienne Klein, «le progrès est indissociable du sacrifice, et il se doit de le faire advenir pour nos descendants».

Illustration: Joe Dillon