On entend beaucoup parler du réchauffement de la planète, mais il en est un autre, entre tabou et inintérêt dont on évoque peu les retombées climatiques personnelles: le réchauffement de la planète-femme.

Globalement, tout prête à penser qu’il s’agit là d’une somme d’inconvénients à supporter, allant de l’empourprement gênant dû à une vapeur inopinée à l’insomnie en dehors des nuits de pleine lune, d’une sécheresse de cette joue qu’on a connue semblable à la pêche à une irritabilité dont les échos voluptueux rendraient jalouse Sarah Bernhardt… sans oublier une fatigue récurrente, résultat d’un sommeil en pointillé, proche des quarts d’Olivier de Kersauzon, ancien scout marin et irréductible rockeur du Pacifique.

Parfois, il faudrait butiner dans les dictionnaires de langues étrangères pour trouver le mot juste et s’assurer qu’il ne s’agit pas là d’une mise-à-mort programmée de la sainte féminité, comme la coquetterie des Anglais qui ont renommé cet état: «another life». Oui, une autre vie, enfin! Dégagées des dispositifs absorbants jetables, d’une éventuelle anémie, de la probabilité parfois angoissante d’une grossesse et des visites nocturnes dans des pharmacies de garde. Pour résumer, une vie pleine d’un dynamisme neuf débarrassé du superflu (x).

Mais bon sang, ce n’est pas la fin du monde!

Scientifiquement elle est nommée âge climatérique, ou âge critique, même si on les supporte moins les critiques… Aussi importante que la puberté, autre période décisive et formative, elle ressemble plutôt à un rembobinage de ce qui nous a été donné. Sur son chemin, on croise souvent de la nostalgie, entailles de mélancolie raccommodées par les compensations parallèles.

Au final, c’est juste un pont à emprunter, et même s’il ressemble plus à des cordages suspendus et instables qu’à une autoroute, il mène à la berge d’en face, là où commence cette autre vie qui rejoint ce qu’en Allemagne ils nomment poétiquement: «die Wechseljahre», les années de changement. Cette parenthèse entre deux états nous invite à la volupté de l’inconnu, avec ce léger vertige d’une première fois. L’occasion de remettre au goût du jour cette expression inventée par Claire Bretécher via la bouche de l’ado Agrippine: «prendre vapeur»! Ou de prendre le large, tout simplement.