C’est décidé, je n’irai pas à Botox City. Je renoncerai à me laisser trifouiller les pattes d’oies, parce que les oies sont de bonnes défenseuses, je n’irai pas lifter mes cernes, preuves de belles fêtes, encore moins repulper ma bouche, car, à force de dévorer, il est normal qu’elle ait un peu fondu. Et, surtout, je ne tenterai pas, grâce à des abracadabras cosmétiques, de redonner à mon visage des allures d’antan qui n’ont plus lieu d’être.

Mon visage est ma patrie, il est ce point dans ma carte du monde qui n’appartient qu’à moi. Il est ni une pâte que peut modeler le chirurgien ni un terrain escarpé à retirer du parcours. Inutile d’en modifier les reliefs, imaginons plutôt l’aberration que serait de dérider les montagnes, elles ressembleraient à des toboggans.

C’est le bitume qu’on dame, ce sont les chemises qu’on repasse, mais la peau, elle, doit rester vivante, imprégnée des aventures dont elle décrit les sinuosités et qui finissent par former des collines sur lesquelles aller siffler en toute tranquillité. Et puis, comment pousseraient les graines sans la configuration ancestrale des sillons?

Ne parlons pas de collagène ou d’élastine, voire d’affaissement dermique! Toutes les entreprises pharmaceutiques s’y cassent les dents à force de vouloir les blanchir. D’ailleurs, les fruits secs ne sont-ils pas les meilleurs, puisque gorgés de sucre?

Le plus sûr moyen de se dérider est de s’égayer. Quel que soit mon âge, à chaque jour qui s’étire, je ne renoncerai pas à l’envie d’être pimpante, optimiste, ouverte à ce qui arrive, la paupière peut-être un peu plus lourde mais l’œil ouvert! Je chéris mon petit jardin en ville et n’oublie pas d’arroser ses nombreuses roses qui ont traversé les âges et dont les pétales, bien que fripés, exhalent le plus doux des parfums.

 

Photographies: Anastasia Pottinger