Diptyque philosophique et social, La Plaza d’El Conde de Torrefiel propose une première partie déconcertante où l’histoire comme les acteurs ont déserté le théâtre. A la place, des fleurs et des bougies évoquant un cimetière pour y méditer, et un texte qui défile en lettres blanches lumineuses.

Car seul les mots restent, denses, poétiques, qui invoquent Linda Lovelace comme Kanye West, Jules Verne ou Black Mirror… Enflammé le texte défile, «Je suis la victime civile», «Je suis le pourcentage des sondages», «Working, fucking, dying» nous rappelle l’excellent tube de 1988 des Godfathers «Birth, school, work, death»… Engagé, le brûlot nous prédit qu’un jour les animaux s’exprimeront grâce à un haut-parleur vissé à leur gorge et que, puisqu’on partage 99 pour cent de nos gènes avec notre frère le cochon, les embryons humains grandiront dans des utérus de truies.

La limite entre réalité et fiction mincit lorsque la deuxième partie du spectacle débute. Le texte continue de défiler. Des personnages sont apparus, comme muselés. Habillés de couleurs vives, traversés par des musiques, ils sont des pantins interchangeables qui communiquent le visage dissimulé derrière des masques uniformes. L’anonymat total nous guette.

La techno relance le rythme, «24» de Not Waving ou «Serpiente dorada» de Dengue Dengue Dengue

Une poussette, un sdf, des femmes voilées, puis trois amies avinées perchées sur des hauts talons, un jeune en survêtement, un corps à terre presque violé, un handicapé en chaise roulante… jusqu’à la civière qu’on apporte avec sous un drap blanc un corps de femme.

La mort. La mort qui elle, une fois qu’on l’a débarrassée de son masque, nous montre son vrai visage.

 

Le spectacle est à voir du 31 octobre au 2 novembre au Théâtre de Vidy, Lausanne.