Le coup de foudre de David Lynch pour la gravure a eu lieu à Paris à l’atelier Idem.
L’artiste plasticien, qui aime travailler avec les mains, a trouvé dans la lithographie une dimension
organique, et on se souvient de cette scène dans «The art of life», combien il aimait jouer petit,
avec son frère, dans une flaque d’eau remplie de boue à triturer.
Doigts, pinceaux, brosses.
Une simple pierre pèse 80 kilos, c’est pourquoi, chaque année, l’artiste américain vient dans l’atelier
parisien où toutes les machines impressionnantes tournent et encrent. L’irrégularité des pierres ne
lui fait pas peur, il en chérit les dissymétries quitte à les englober dans son univers, et surtout elle est
un défi, il peut la toucher, la caresser, l’entamer.
Entre poésie industrielle et traces d’un monde innocent, David Lynch incorpore les traces de ses jeux
d’enfant, – Dinky Toys, pistolets, clowns – à son univers angoissant. «Woman with dream», «Fire in
city», «Thinking of you», les titres qui apparaissent dans l’image annoncent l’histoire à inventer. Dans
«Stages», les lignes de côté font penser à des rideaux de théâtre ou de cinéma, «Thinking of you»
questionne l’amour qui rend fou, «I fight with myself» gratte les plaies de l’introspection.
«Fire in city» décrit son séjour où il intègre l’Academy of Arts à Philadephie, une ville dangereuse,
anxiogène, à la fois grise et pleine de suie, mais cette grisaille l’inspire lui qui affectionne les usines
désaffectées, les hangars, les villes-fantômes et il l’arpente avec un morgenstern qu’il a fabriqué lui-
même avec un bout de bois garni de clous. Il ira plus tard jusqu’en Pologne pour prendre en photo
des endroits à l’abandon.
David Lynch aurait voulu être peintre. En se tournant vers la lithographie, le cinéaste démontre que
même lorsque son image se fixe, notre cinéma continue de tourner.
A voir au Musée Alexis Forel de Morges jusqu’au 16 décembre.
Silencio Evenings est une déambulation nocturne dans l’exposition de David Lynch qui aura lieu le 22,
23 et 24 novembre entre 20h et 22 h.