À quoi sert une peinture si elle n’est pas furieuse?

À l’intersection des grottes de Lascaux et des grottes urbaines où sévit le heavy metal se situe un artiste: Damien Deroubaix. Liberté totale avec pour seul cadre le cercueil des cruautés de l’histoire, on erre de purgatoire en délivrance, les yeux capturés par un grand livre des morts, l’Histoire et les Anciens Maîtres, pour un accouplement entre passé et maintenant.

«Headbangers Ball». Le coup de pinceau est une sorte d’attaque comme on le dirait d’un objet tranchant ou d’une basse tempêtueuse, la technique du bois gravé et du collage offre plusieurs dimensions, papier japon et peinture, noir sur brun, les jaunes en ressortent brûlés. L’artiste le dit lui-même, sa peinture est «frontale», elle produit des «crissements», «j’aime quand ça se rentre dedans».

Il nous attire dans son cabinet d’entomologiste survolté,

insectes, serpents, ailes,

en contre-ciel oscillent les ampoules noires pour dire l’obscurantisme,

dans la cabane des vanités, entre crânes et masques, les mâchoires immenses cliquettent pour dire le cannibalisme social,

corps découpés et squelettes font de la gymnastique entre strip-tease et jugement dernier

les yeux creusés pour signifier la fin du regard…

Les titres parfois mis en avant clignotent comme des lumières noires annonciatrices du désastre, ROOTS, n’oublions pas nos morts, PORCHERIE et les bottes de femmes sont porteuses d’espoir au pays des bottes ferrées, DEATH, les voix d’outre-tombe hurlent au rythme des têtes qui se dévissent. Au milieu des décombres le troisième œil veille telle la Vision sertie dans le triangle.

Peinture sur bois

S’il y a eu la période de la Renaissance, la peinture de Damien Deroubaix est celle de la Reconnaissance. Sous l’appellation «Die Alte Meister», le peintre se souvient des grands esprits qui l’ont subjugué. Holbein, Kirchner, Beckmann, Nolde, Dürer. Pour se mesurer à eux, il élabore des têtes aussi grandes que des hommes dont les regards transcendants nous fixent. Sur leur front des imbrications-tatouages-obsessions, réalisations de miniatures comme autant de traces des géants, sont les cartes de visites du passé. Une invitation à nous souvenir des maîtres qui l’ont précédé et dont la mort annonce le son de la persévérance.

Peinture de Damien de Roubaix

Damien Deroubaix. Headbangers Ball part 3: Alte Meister (Komödie)
À voir jusqu’au 1er mars 2020 au Kunstmuseum de Reutlingen

Kunstmuseum Reutlingen
Spendhausstraße 3
72764 Reutlingen
Allemagne