On ne peut dissocier le peintre Ugen-Tenzing Nuba de la pensée tibétaine omniprésente dans ses tableaux grâce aux matras porteurs de paix, d’élévation, de sagesse.

L’exposition de la Tour du Château de Prilly intitulés « Infinie vacuité: espaces mantras » nous invite dans un monde pictural à cheval entre la pensée aristotélicienne « il n’existe pas de matière sans forme, ni de forme sans matière » et l’esprit tibétain dont la notion de vacuité libératrice nous rappelle combien, « à la base, rien n’existe en soi, tout est interdépendant ».

L’impermanence est intégrée dans la logique de l’esprit tibétain et pour mieux s’approcher de la liberté, l’artiste n’utilise pas de contours afin de préserver cette notion de non-défini ou d’infini qu’on ressent lorsqu’on contemple ses tableaux lumineux bardés d’écritures bienveillantes. « Le choix des couleurs est dicté par les matras et choisi par le texte, explique le peintre, le vert pour Tara, le bleu pour le Bouddha-médecine ou le jaune pour la lumière de la connaissance » tout comme la méditation qui est essentielle à l’élaboration de chaque tableau. On pourrait aussi parler de bleu puissant, de vert stimulant, de rouge apaisant, de doré lumineux.

Méditation, infini, couleurs intenses, écritures ancestrales mais la particularité du travail de l’artiste est aussi de mélanger à l’acrylique de la terre de deux monastères, (le Samyé du Tibet et le Tagtsang Gönpa du Bhoutan), matière aussi symbolique que précieuse qu’on peut voir se détacher et créer du relief, garante d’une intensité supplémentaire.

Ugen-Tenzing Nuba tient à fabriquer ses supports lui-même, ainsi que l’entoilage. Ses tableaux ont la particularité de faire 108 centimètres de largeur, le chiffre 108 étant une référence aux 108 œuvres de Bouddha, chiffre qu’on retrouve sur le mâlâ ou collier de méditation que 108 perles qu’il fait glisser entre ses doigts « comme je suis végétarien, les perles ne sont pas en os » précise l’artiste.

La forme comme le fond, la taille comme la couleur font de ces tableaux une succession impressionnante et vibrante de drapeaux momentanément immobiles. Ugen-Tenzing précise que les drapeaux de prière, appelés loungta, long signifiant souffle, sont aussi appelés « chevaux de vent ». L’importance du souffle, des éléments qui passent comme des nuages sans jamais se fixer rappellent que l’attachement est une aberration et qu’au Tibet, dès leur plus jeune âge, les enfants apprennent le détachement indissociable de la liberté. « Donner du mouvement aux matras comme des drapeaux de prière qui flottent », et surtout, ne rien figer afin de se laisser pénétrer par l’incommensurable.