Un spectacle ou une vidéo suffisent pour devenir inconditionnels de Jérôme Bel, peut-être parce que le chorégraphe a compris que la danse était d’abord une aventure humaine avant d’être professionnelle, plus proche d’une séduction animale que d’un art perfectible.

Il n’y a donc pas de barrières chez cet artiste, chaque corps est magnifique, élastomère ou dodu, en pleine santé ou handicapé, bouille enfantine ou tutu vieillissant, et le rire n’est jamais loin sur cette scène multiforme où l’esprit de Pina Bausch fait un clin d’œil à celui de Buster Keaton.

Gorgé d’humanité et de créativité, le film «Rétrospective» retrace 25 ans de travail de Jérôme Bel enchainant sans commentaires des bribes colorées de ses spectacles, rythmées de tubes endiablés, de «Let’s dance» à «Dancing Queen». La danse apparaît sous toutes ses formes et ce n’est pas un fauteuil roulant qui va empêcher les figures, l’improvisation faisant partie de l’aventure.

Inventif, le chorégraphe de Montpellier conserve un dynamisme toujours neuf et parvient naturellement à épater grâce à l’intelligence de ses thèmes comme «Disabled Theatre» avec la compagnie Hora, troupe d’acteurs atteints du syndrome de Down, ou «Shirtologie», une succession de t-shirts aux textes suggestifs enlevés en rythme par des danseurs. L’originalité tient à la fois du thème et à la façon de le développer.

Tout est fantaisie et collectif chez Jérôme Bel, on souffle ensemble, on s’imite, on échange ses vêtements, on se déshabille et surtout on transpire pour le même acte salvateur. Il n’y a donc ni barrières ni jugements dans cet univers prolifique. Lorraine Meier ou Damian Bright atteints de trisomie 21 ont leur place aux côtés de Véronique Doisneau, danseuse au Ballet de l’Opéra de Paris. Et maintenant: Let’s dance… afin que la grâce continue sur sa lancée.

 

À voir au théâtre Vidy-Lausanne jusqu’au 7 avril 2019.