Rarement content de son apparence, l’homme recherche de manière perpétuelle à s’améliorer. Cosmétiques ou chirurgie esthétique, accessoires ou opération définitive, du premier coup de peigne qui tire les cheveux emmêlés du matin au bistouri, il faut souffrir pour se trouver beau.

Avant de trouver le look qui fera de lui un homme-logo, Karl Lagerfeld a été banal. Quelques kilos en trop, un air doux, on peut le voir sur des photos comme un autre Karl, pas encore Kaiser, cet homme en noir et blanc qui a travaillé son image non sans volonté. La transformation a lieu dans les années 2000. Obnubilé par les tenues étroites du styliste Hedi Slimane dans lesquelles il espère se glisser, il décide de se délester de quarante kilos. Le coca zéro et le shampoing sec sont désormais ses alliés. Aminci, il affûte sa métamorphose en gainant sa chevelure d’une aura poudrée, donnant à sa personne des allures de prince des ténèbres. Afin de dissimuler son regard «trop gentil», il opte pour une paire de lunettes noires. Avec son catogan, Karl Lagerfeld est devenu une silhouette graphique aussi reconnaissable que Betty Boop ou Mickey Mouse.

À l’opposé, les 25 opérations, voire plus, de Lolo Ferrari, en ont fait une icône de la souffrance. Bien que son imposant tour de poitrine d’un mètre quatre-vingt l’empêchât de dormir, elle n’a jamais renoncé à retoucher, réajuster, optimiser sa vision particulière de la beauté. Véritable marathonienne de la transformation physique, alternant opérations et dépressions, l’actrice a fini par être broyée dans l’engrenage de son désir de perfection et d’insatisfaction. Derrière son opulente féminité, elle est restée une petite fille qui désire plaire, et a tenu à être enterrée avec son ours en peluche.

Au milieu de ces organisations sensées améliorer ce qui nous constitue, l’aphorisme de Francis Picabia remet les pendules biologiques à l’heure: «Moi, je me déguise en homme pour n’être rien».