La tentation d’être quelqu’un d’autre fait partie des penchants humains que certains poussent jusqu’à passer à l’acte, disparaître pour renaître, quitte à troquer ses oripeaux personnels contre un costume dangereux.
«Profession reporter» de Michelangelo Antonioni, nous tend un miroir inquiétant qui rappelle les contes. L’insatisfaction d’être soi est-elle irréversible? Et si on en change de vie les yeux fermés, que trouve-t-on de l’autre côté dudit miroir?
Pour pouvoir être un autre, encore faudrait-il avoir été soi-même…
Jack Nicholson, David Locke est en reportage en Afrique. Embourbé dans le sable comme dans sa vie, il maugrée, jure, à l’étroit dans son quotidien. Quand son voisin de la chambre d’à côté, un homme d’affaires, meurt à l’hôtel, il décide d’emprunter son identité.
Faut-il être réticent face à sa propre vie pour tenter ce saut, on en déduit que David Locke divorcé, en attente, déçu ou blessé, préfère prendre le risque d’être un autre, quitte à caresser les flammes de l’enfer.
Mais on ne se coule pas avec autant de facilité dans une âme que dans un smoking, l’identité de l’autre peut s’avérer être un costard empoisonné. Locke vole les vêtements, l’agenda et décide de respecter tous les rendez-vous qui y sont inscrits, incarnant désormais un marchand d’armes avec une réticence et une impuissance grandissantes. Processus périlleux qui fait de lui un fugitif non seulement face aux autorités mais aussi un fugitif de sa propre vie…
Le réunificateur apparaît sous les traits d’une jeune femme profonde et mystérieuse ( Maria Schneider) qui n’attend rien de la vie mais qui sait être là dans la splendeur de la simplicité. Confiante – et cette confiance innée est le véritable joyau de ce film -, libre, elle accompagne avec naturel Locke, elle l’aide physiquement, intellectuellement à franchir les dernières marches de sa désorganisation identitaire.
Fée lâchée dans l’Hadès, – l’affiche présente les trois visages des protagonistes à l’identique de Cerbère, le chien gardien des enfers – elle devient sa compagne des derniers jours. À l’opposé de son ex-femme – une vamp-executive woman surlookée – elle se satisfait de sa propre vie résumée par un simple sac aussi vieux qu’un chien fidèle, elle le protège de sa sainte présence afin qu’il puisse rejoindre son identité initiale grâce au processus de mort, transition initiatique.