«Platzspitzbaby» et «Tarnation» sont deux histoires dont le centre est l’amour inconditionnel pour une mère junkie.

Platzspitzbaby
Mère et fille, tiré du film Platzspitzbaby

D’un côté la fiction de «Platzspitzbaby» sonne tellement juste qu’on s’immerge dans l’histoire comme dans un documentaire, de l’autre «Tarnation» document-vérité sur la déchéance d’une mère filmée en live par son fils s’avère tellement folle qu’on l’imagine fiction.

«Platzspitzbaby», le film de Pierre Monnard réussit à se faufiler en dehors des nombreux clichés et perches tendues qui généralement bordent les chemins noirs de la junkitude. Agité de rebondissements inattendus, tendre sans être bébé, dur sans être cassant, le premier long-métrage de Pierre Monnard nous immerge dans une fiction qui, filmée avec simplicité, permet de suivre le quotidien d’une fille dans le monde de la drogue.

Mia, préado de 10 ans, vit avec sa mère séparée qui se pique. Effondrée par sa vie dissolue, elle tente avec ses maigres moyens de la tirer hors de l’enfer tout en acceptant d’aller lui chercher ses doses. Intrépide go-between dans le monde des dealers, Mia se frotte à des accords limites, donnant tout d’elle-même jusqu’au petit collier doré offert par son propre père. «Parce que c’est ma mère!», son cri du cœur explique ce don de soi proche du sacrifice. Sa conviction de pouvoir la sortir de là l’empêche de la laisser tomber.

Platzspitzbaby
Platzspitzbaby

Grâce à un déménagement forcé – la police faisant le ménage dans ce fameux «Platzspitz», village d’irréductibles héroïnomanes situé en plein cœur de la ville de Zürich – la préadolescente éloignée des médisants découvre les premières amitiés fortes et comble un besoin affectif avec un chiot du nom de Twister…

Le film est tellement bien fait qu’on y croit dur comme fer.

A l’opposé «Tarnation» est si violent et improbable qu’on aurait tendance à croire qu’il s’agit d’une histoire inventée. Voyage psyché-théâtral, «Tarnation» ( contraction d’eternal damnation ) de Jonathan Caouette est un film documentaire (sorti en 2004) tourné en mode fractionné, bricolé de flashs, de petits bouts de films, d’écrits.

Tarnation
Tarnation

«I love my mother so much. She lives inside me»… Film éprouvant, «Tarnation» nous conte le parcours sacrificiel de la mère adorée de Jonathan, Renée LeBlanc. Un documentaire à l’épaule qui montre la galère de Renée, junkie estampillée folle, abusée par la médecine psychiatrique, électrochocs, lithium, hospitalisée plus d’une centaine de fois, femme martyrisée qui passera d’être suprême à enveloppe vidée de son essence comme de sa substance séduisante.

«Tarnation» nous prend à fleur de boyaux grâce à la personnalité débordante de vie de Renée qui se heurte au tragique de son destin. Les incessants vas-et-viens entre hôpital psy et son deux-pièces qu’elle partage avec son père forment une toile de fond sur lequel se superpose le développement du fils Jonathan qui dès sa plus tendre enfance se déguise et se laisse filmer, apparaissant avec rouge à lèvres, perruques et boas.

«I love my mother so much!». «Parce que c’est ma mère!». Magie du cinéma, inversion de la vision: le vrai paraît inventé et le faux totalement crédible. Deux façons d’aborder ce thème douloureux de manière très réussie.

«Platzspitzbaby» de Pierre Monnard actuellement sur les écrans.
«Tarnation» de Jonathan Caouette sorti en 2004