Un beau petit diable
Papa-maman de tout poil, cramponnez-vous ! Vous et vos bonnes intentions allez en prendre plein la gueule. Mlle Faust débarque avec ses quatre vérités, ses décolletés excentriques et ses mots charcutés par une plume aiguisée comme une lame de rasoir. Ça coupe et ça saigne. Noir. Elle n’écrit pas pour les autres, mais contre. Mlle Faust, c’est une gamine insolente, et tricheuse pour être sûre d’avoir quelque chose à se reprocher. Elle griffe, mord, rend les baffes, rue dans les brancards et part. Presque sans colère, en laissant derrière elle une adresse romantique et bidon. Mlle Faust poursuit ici une analyse commencée sur le divan propret d’un psy qui a connu « le décolleté le plus profond de mon mental ». Avec sous sa tête, pendant qu’elle vomit son monologue, un mouchoir blanc « des fois que je salisse, avec mes fantasmes ». Les mères sont des plaies. Et les pères toujours absents. Après ça, n’allez pas vous plaindre si les filles sont des putes. « La prostitution est une action directe et je continuerai sur sa lancée pour vendre mes mots. » Oui, Mlle Faust a sans doute vendu son corps, elle l’a donné quelquefois, bradé souvent. Et son âme ? « A courir trop vite, j’ai dépassé ce que je cherchais. » Ce qu’elle cherche ? Sûrement pas le peu qu’elle a trouvé. Côté cœur, elle n’est pas du genre à échancrer large sur la confidence pu à mettre les points sur les i. Mlle Faust, dans la vie de tous les jours, c’est Véronique Emmenegger. Elle a 23 ans. Et vous avez lu ses mots (en cage) dans les colonnes de Femina. Les voici maintenant en liberté. Et elle dans ses draps en papier et ses amours jetables. Son récit, le premier publié, souffre de quelques facilités. Et de naïveté. Normale pour son âge. Entendez la naïveté vénéneuse. Ce qui l’est nettement moins. D’où l’intérêt.
Monique Balmer, Femina, 1987