Grâce aux curatrices Anne Jean-Richard Largey et Federica Martini, la dernière exposition POUR ELLE autour de Marguerite Burnat-Provins a permis à huit artistes de la rejoindre, chacun-e à sa manière, car «Marguerite» comme beaucoup la nomment, n’est pas une simple artiste, elle se démultiplie dans chacune de ses œuvres écrites, dessinées ou en relation avec les esprits.

Travailleur du texte, sculpteur de mots, Gilles Furtwängler mélange ici la banalité de certaines phrases qu’il entend, des phrases «trouvées», à l’univers érotique de Marguerite. Les mots mélangés trouvent une résonnance inhabituelle, comme le prouve cette association «doigt sur la bouche, tête dans le sac, yeux crevés, pigeons et colombes» ou plus facétieux «amuser la galerie, pigeons, minous». Ses grands formats intrigants se lisent dans les deux sens et permettent à l’esprit de voltiger.

La nature qui consolait Marguerite est une source claire d’inspiration pour Alexia Turlin. Ses peintures de montagnes qui forment des racines pailletées inattendues, ses bouquets que la brillance rend palpitants, nous rappellent la proximité de la nature dans l’art de Burnat-Provins, fleurs, hiboux, feuillages, sont omniprésents dans ses esquisses comme dans sa prose.

Alexia-Turlin

Alexia Turlin
Maya, 2017, série ouverte des montagnes-eau, fusain, spray acrylique, paillettes

Alexia Turlin est entrée en contact avec elle en présence d’un médium et d’une lectrice d’âme. Marguerite a dit « Va au-delà de toi, le ciel est immense». En découvrant la fraîcheur et la beauté qui se dégagent des œuvres d’Alexia Turlin, on sent combien cette phrase est en rapport direct avec son travail. «Elle est là, c’est la Marguerite 2018» s’émerveille l’artiste.

L’approche de Robert Ireland, artiste plasticien, est étonnante. Avec «Visions, 350 noms apparus à M.B-P» », il s’intéresse à la période qui débute pour elle en 1914, date où surgissent ses premières apparitions. Elle crée «Ma ville», une galerie de 2400 portraits fantasmagoriques, des visages doublés de noms insolites et d’appellations, par exemple Kérmencile impérieuse ou Varimouche le congestionné. Robert Ireland en a conservés 160 qu’il a d’abord gravés sur un photogramme (sur papier baryté), puis les noms nomades se sont échappés pour être essaimés dans le Manoir. «Etant gaucher, j’ai choisi d’écrire à la main droite pour avoir une écriture fragile. Il ne faut pas tout contrôler» explique l’artiste. On croise les noms de-ci- de-là, leur présence graphique étant discrète, on dirait qu’ils surgissent des murs, comme ils ont surgi, un siècle plus tôt, dans l’imagination de Marguerite.

Robert-Ireland-Visions

Robert Ireland
Visions, 2018, 350 noms apparus à Marguerite Burnat-Provins, photogramme sur papier baryté

Valentin Carron présente 21 caisses à pommes de couleur en aluminium. Il explique avec passion la différence entre «le cageot (pour les petits fruits mous) et la caisse (pour les fruits durs)». Peintes de couleurs vives, les caisses simples d’apparence sont gorgées de symboles et de souvenirs. D’abord elles évoquent les vergers de son enfance en faisant allusion à l’agriculture et au terroir, valeurs chères à l’esprit de Marguerite qui défendait la sauvegarde des valeurs paysannes, ensuite ces mêmes caisses en bois ont souvent été repeintes pour devenir des bibliothèques. Détournées de leur fonction par Valentin Carron, les caisses d’aluminium empilées sont aussi un clin d’œil à l’esprit Neo-Geo de Peter Halley – en moins fluo- et à la précision géométrique des «Structures» de Sol Le Witt. «La forme simple réduit le champ des interventions» dit Sol Lewitt, ainsi, nous accédons directement au symbolisme multiple de cette oeuvre colorée et faussement simple, qui rappelle avant tout l’enfance de l’artiste à Martigny, appelée à cette époque «La petite Californie»…

 


Du 24 août au 25 novembre 2018
POUR ELLE
Marguerite Burnat-Provins

Manoir de la Ville de Martigny
3, Rue du Manoir
1920 Martigny
Valais, Suisse

http://www.manoir-martigny.ch


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