Tout émerveille dans cette exposition de gravures de Picasso au musée Jenisch, tout jusqu’aux appellations techniques «Aquatinte au sucre et morsure directe sur zinc, eau forte», car nous sommes en terrain hautement sensuel, pointe sèche mais pas que, avec en premier l’obsession de Picasso pour le cirque qui donnera «la Suite des Saltimbanques» où la fougue déclinée est en première place.

Pablo Picasso nous invite à soulever le rideau de son théâtre, comme les jupes de ses modèles, le sable de la piste se confond avec celui des arènes de la corrida. Pourquoi le cirque? Arrivant à Paris en 1901 le cœur en friches, Picasso se console en allant au cirque Medrano. Depuis, il ne cessera de célébrer les gens de la balle en dépeignant l’esthétisme de leur anticonformisme. Les positions tordues des acrobates rappellent des étreintes passionnées, l’emballement des chevaux celle des amants, les clowns sont dans la place pour rappeler que tout n’est que burlesque tout comme les titres souvent cyniques «Homme barbu songeant à une scène des Mille-et-une nuits avec derrière lui des ancêtres réprobateurs» ou «enfin seuls!». Suivent sans faiblir des gravures de «l’Atelier» et de «l’Alcôve» où les doigts et les pinceaux se mélangent dans une perpétuelle fête galante, ainsi que «l’Arène», consécration des taureaux, corridas et Minotaure.

Avec Picasso, la mort n’est jamais loin, qu’on la retrouve dans l’exécution du taureau ou à la vision de la tête de Jean-Baptiste sur un plateau, elle est une invitée permanente. Et si le noir visuellement l’emporte, c’est curieusement le rouge-passion qui reste au fond de la rétine quand on sort de cette fiesta visuelle.

 

PICASSO LEVER DE RIDEAU
l’arène, l’atelier, l’alcôve.
Du 21 juin au 7 octobre 2018
Au Musée Jenisch, Vevey